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Les élucubrations d’Alexis Hayden
2 septembre 2023

C’est quand que t’es partie où ?

Jeune-fille 1 - 5

Chère Claudie, j’ai appris ta mort avec trois mois de retard (saleté de COVID !), et je n’arrive pas à y croire. D’un an plus jeune que moi, je n’avais jamais imaginé que tu puisses partir la première. Même si notre différence d’âge était dérisoire, ce n’était pas dans l’ordre des choses.

Lorsque je suis revenu dans la région, le passé, avec ses notes de nostalgie, m’a joué son trémolo. Mes amis d’autrefois, je me doutais que je ne les reverrais pas tous.

En cinq ans, je n’ai revu que Nelly. Si brièvement... Malgré nos promesses de ranimer les fantômes du passé, nous ne l’avons jamais fait (saleté de COVID !).

J’ai aussi revu Jean-Luc. Juste le temps d’un déjeuner et de beaucoup de déceptions. En deux heures, il a taillé en pièces les certitudes que j’avais de ce fichu passé. En quelques mots, il a ruiné la réputation de ce Papa modèle qui, je le croyais, était le sien, tant il s’occupait bien de son fils, mieux que le mien ne l’a jamais fait.

—    Dommage qu’il devenait violent, quand il avait bu un coup ! m’a-t-il appris.

—    Ton père te frappait ?

—    Non, moi j’étais le dernier, le petit chouchou de la famille. Dans ces cas-là, c’était ma mère qui prenait.  

Déception ! J’ai réalisé que nous n’avions pas les mêmes souvenirs. C’est peut-être ce qui m’a retenu de revoir les autres amis, de te revoir, toi.

Ainsi, vous concernant, je garderai mes bons souvenirs : que personne n’y touche !

Nous partagions nos jeux et nos franchissements d’interdits, ceux qu’on nous imposait, parfois, quand on me surprenait à jouer avec toi au « Docteur non conventionné ». Heureusement, entre deux consultations gratuites, on nous laissait un peu de liberté. Dans la ferme de mes grands-parents, il y avait tellement de cachettes !

Tu étais ma plus proche voisine, et la plus disponible. Je ne me souviens pas d’avoir une seule fois pris un râteau.

Tu étais si jeune, tu ne peux pas être morte ! De toi, je n’ai que cette image, très floue. Et plus je cherche à en améliorer la netteté, plus elle devient floue… Tant que je te savais vivante quelque part, elle me suffisait. Mais maintenant…

On s’inventait des histoires insensées, t’en souviens-tu ? Moi, oui ! Comme disait le poète : « Je me souviens des jours anciens et je pleure ». Nous n’étions jamais à court d’imagination. Ça commençait par : « On dirait que… ». Peu importait l’entame, l’autre embrayait aussitôt et nous jouions ainsi nos rôles dans d’interminables histoires.

Je n’ai pas oublié l’étonnement songeur de ta mère, lorsqu’elle nous demandait le nom de ce nouveau jeu. Comme si tous devaient en avoir un ! Nous lui décrivions alors le scénario du jour, celui de ce jeu inédit auquel nous ne jouions qu’une seule fois, avant d’en inventer un autre…

Lorsque je repense aux jours d’ennui de mon enfance, c’était ceux où tu n’étais pas là.

Chère Claudie, c’est quand que t’es partie où ?

Au moment des adieux, j’aimerais rejouer une dernière fois à ce jeu imaginaire et te dire : On dirait que… Tu n’es pas morte. Dans ma mémoire, au fond de mon cœur, tu ne le seras jamais !

Aide-moi à écrire la suite, du genre : « Improbables destins » !

Et si, comme l’écrivait Sartre, si les jeux n’étaient pas faits ?

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