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Les élucubrations d’Alexis Hayden
30 décembre 2019

Proust et l’essentiel !

Source: Externe

En repensant à ce lecteur qui nous préconisait de ne publier que le premier chapitre de nos livres, celui du milieu et le dernier, je me dis que si Proust avait suivi ce conseil, il en aurait gagné… du temps perdu ! Hélas pour moi, les soirs d’insomnie, Proust ne me serait plus d’aucune utilité et je me verrais dans l’obligation d’investir dans les somnifères de l’industrie pharmaceutique ! Car, lorsque je lis ce cher Marcel, dès la première phrase, aussi longue qu’incompréhensible, je fais, comme font tous les « adorateurs de Proust, semblant de comprendre, quand il n’y a rien à comprendre. Mes yeux se ferment alors si vite que je n’ai pas le temps de me dire : « Je m’endors. ». C’est si efficace que, n’en déplaise à l’industrie pharmaceutique, Proust devrait être remboursé par la sécurité sociale ! Mais pour que ça marche, il est une condition inéluctable : Ne jamais chercher à comprendre ce qui vous a échappé dès la première lecture, comme cette merveilleuse phrase à rallonge :

« L'air y était saturé de la fine fleur d'un silence si nourricier , si succulent que je ne m'y avançais qu'avec une sorte de gourmandise, surtout que par ses premiers matins encore froids de la semaine de Pâques ou je le goûtais mieux parce que je venais seulement d'arriver à Combray : avant que j'entrasse souhaiter le bonjour à ma tante on me faisait attendre un instant, dans la première pièce où le Soleil, d'hiver encore, était venu se mettre au chaud devant le feu, déjà allumé entre les deux briques et qui badigeonnait toute la chambre d'une odeur de suie, en faisait comme un de ces grands « devants de four » de campagne, ou de ces manteaux de cheminée de châteaux, sous lesquels on souhaite que se déclare dehors la pluie, la neige, même quelque catastrophe diluvienne pour ajouter au confort de la réclusion la poésie de l'hivernage ; je faisais quelques pas du prie-Dieu aux fauteuils en velours frappé, toujours revêtus d'un appui-tête au crochet ; et le feu cuisant comme une pâte les appétissantes odeurs dont l'air de la chambre était tout grumeleux et qu’avait déjà fait travailler et « lever » la fraîcheur humide et ensoleillé du matin, il les feuilletait, les dorait, les godait, les boursouflait, en faisant un invisible et palpable gâteau provincial, un immense « chausson » où, à peine goûtés les arômes plus croustillants, plus fins, plus réputés, mais plus sec aussi du placard, de la commode, du papier à ramages, je revenais toujours avec une convoitise inavouée m’engluer dans l'odeur médiane, poisseuse, fade, indigeste et fruité de couvre-lit à fleurs. ».  

Je n’ai fait que du copier/coller ! Se forcer à comprendre, ce serait inhiber les effets magiques, capables de berner notre intelligence, qui nous conduisent dans un état de béatitude tel que nous nous croyons compétents pour déchiffrer n’importe quelle écriture cunéiforme ! Je comprends que Gallimard n’en ait pas voulu la première fois…          

Il y a un an, alors que je visitais un salon du livre régional – on perd son temps comme on peut – je discutais avec un auteur qui me disait adorer Proust. Il présentait plusieurs de ses livres publiés aux éditions du Traict, imprimés chez Copymédia, en Gironde, sur du papier fabriqué dans les Vosges… Cocorico !

Je l’ai un peu séché – ce n’était pas le but, je voulais juste le charrier – lorsque je m’étonnais que, pour un adorateur de Proust, ses livres ne dépassaient que rarement les cent pages ! Il m’avait répondu après un moment de réflexion :

—      Il faut aller à l’essentiel.             

Un coup c’est trop long, un coup il n’y a pas assez de détails, ou trop, pas assez de sexe (je veux dire pas assez de romance)… Je ne vous parle même pas de la longueur des chapitres que je ne cesse de couper et de recouper tel un rabbin endiablé !

Je veux bien faire dans l’essentiel, mais à écrire à deux, je doute que nous y arrivions un jour. Sans compter que certains éditeurs – heureusement nous n’avons pas ce problème avec Amazon – refusent de publier les livres de moins de cent pages. Faudrait savoir ! :-)

Autre chose : j’ignore si les nôtres le sont davantage, mais je remarque souvent, dans ces salons du livre, combien les titres des ouvrages ne veulent rien dire ou tout dire au contraire avec des couvertures peu engageantes. Heureusement qu’il nous reste la quatrième de couverture et parfois le sourire des auteurs… En repensant à l’auteur dont je parlais dans l’article précédent, en le voyant s’ennuyer à mourir dans ce marché de Noël et ne vendre aucun livre, je me félicitais de m’être promis, il y a longtemps, de ne plus participer à aucun salon, même pas celui du Frigo. Ce qui ne devrait manquer à personne…      

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